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6/22/2018

Nous ne sommes pas devins!

De l’importance de signaler les incidents.

Allumez la flèche vers le bas.Flèche blanche vers le bas.

Hier, alors que j’animais un atelier de formation sur la sécurité personnelle et la gestion des conflits pour les travailleurs isolés, l’un des participants, qui travaille auprès du public, nous a fait part d’une agression dont il avait récemment été victime. Toute la salle l’a écouté avec attention. Il a exposé en détail les circonstances qui ont mené à l’incident, ce qu’il estimait être l’élément déclencheur de l’agression ainsi que ses tentatives visant à désamorcer la situation. Pour finir, il a décrit la manière dont la personne s’en est prise à lui jusqu’à le frapper à la tête. Ses collègues semblaient inquiets et choqués. Son récit était poignant et il était manifestement encore affecté par l’incident.

Je l’ai remercié d’avoir partagé cette expérience et de nombreux membres du groupe ont jugé ce témoignage utile pour prendre conscience de ce potentiel élément déclencheur (qui s’avère être un comportement que la plupart des participants adoptent lorsqu’ils sont en contact avec le public).

Lors de notre pause-café, je suis allée voir la personne en question pour m’assurer qu’il allait bien. Je lui ai demandé son sentiment sur le soutien qu’il avait reçu suite à l’incident et sa réponse m’a réellement attristée. « Je n’ai pas pris la peine de le signaler, m’a-t-il répondu. Cela n’avait pas grand intérêt. Les agressions font partie des risques du métier et la direction n’aurait rien changé de toute façon. »

C’est un discours tout à fait classique. Les travailleurs isolés sont prêts à partager leurs expériences et leurs inquiétudes lors de sessions de formation, mais étonnamment ils ne font pas remonter les incidents officiellement au sein de l’entreprise. Les raisons invoquées à cela sont multiples (et très souvent justifiées), mais il y en a une qui m’exaspère particulièrement : « C’est inutile, ça ne changera rien ». Cette excuse, je l’entends très souvent.

Je peux comprendre la frustration ressentie par les travailleurs isolés qui ont l’impression qu’aucune mesure n’est prise lorsqu’ils signalent des incidents (et malheureusement, j’ai eu l’occasion de constater que c’est parfois le cas), mais je trouve cela tout aussi agaçant pour les managers, qui ne cessent d’apprendre par mon intermédiaire que leurs employés font face à des incidents sans les en avertir.

C’est là que le bât blesse. Si les travailleurs isolés n’informent pas leurs responsables des incidents parce qu’ils pensent qu’ils ne vont rien faire, les responsables n’auront pas connaissance du problème et ne pourront effectivement prendre aucune mesure.

Une dirigeante m’a récemment confié (après que je lui ai révélé que ses employés ne se sentaient pas soutenus) qu’elle avait l’impression de devoir jouer les devins. « Je ne vois pas mes employés souvent, donc je compte sur eux pour me prévenir lorsque quelque chose ne va pas. S’ils ne font pas remonter les problèmes, je ne peux pas deviner de quoi ils ont besoin. » Elle voulait visiblement offrir son soutien, mais n’avait pas su comment encourager son personnel à mieux communiquer.

S’ils ne disposent pas d’informations sur le type d’incidents qui se produisent, les responsables peuvent également craindre de ne pas investir les ressources là où elles sont nécessaires. Les données issues des rapports d’incidents peuvent servir de base aux évaluations des risques et à la planification des mesures de contrôle. Elles peuvent faire partie intégrante de la politique de gestion des risques. En l’absence d’informations précises, le danger est que les contrôles des risques mis en place soient inadaptés, que les entreprises gaspillent leurs ressources et que les travailleurs isolés se sentent encore moins soutenus.

Mais alors, est-ce que ce sont les responsables qui ne sont pas à l’écoute ou les travailleurs isolés qui ne font pas remonter les problèmes ? C’est l’éternelle question de l’œuf et de la poule. Très honnêtement, je pense qu’établir l’origine du problème a peu d’intérêt. Mieux vaut se concentrer sur sa résolution.

Afin d’encourager un signalement efficace des incidents qui permette à l’entreprise d’apprendre et de progresser tout en offrant aux travailleurs isolés le soutien et la confiance dans le système dont ils ont besoin, les entreprises doivent veiller aux points suivants :

  • Les travailleurs isolés doivent comprendre exactement ce qu’ils doivent signaler. Définissez clairement les termes « incident relatif à la sécurité personnelle », « incident relatif à la santé et à la sécurité », « presque accident », etc. N’oubliez pas de systématiquement encourager le personnel à exprimer ouvertement toute préoccupation.
  • Expliquez l’objectif et l’intérêt du signalement des incidents. Les travailleurs isolés doivent comprendre qu’il relève de leur responsabilité de signaler les incidents. Les informations qu’ils transmettent peuvent contribuer à assurer la sécurité d’autres personnes. De votre côté, indiquez la manière dont vous exploiterez les informations collectées et dans quelle mesure elles peuvent contribuer à améliorer les systèmes et les méthodes de travail à l’avenir en vue d’assurer leur propre sécurité, mais aussi celle de leurs collègues.
  • Les systèmes de signalement doivent être accessibles. Prenez en compte les endroits où les travailleurs isolés sont susceptibles d’être confrontés à un incident. Ils n’ont peut-être pas accès à un ordinateur ou une tablette. Envisagez de mettre à disposition une application de signalement des incidents pour smartphone si vos employés en sont équipés. Sinon, veillez à ce qu’ils aient facilement accès à des formulaires papier sur tous les sites (ou à ce qu’ils en emportent avec eux).
  • Les formulaires de rapport d’incident doivent être faciles à remplir. Lorsqu’un individu a été confronté à une situation portant atteinte à sa sécurité ou à son bien-être, cela peut affecter ses capacités cognitives. Élaborez un formulaire aussi simple que possible et proposez de l’aide pour le remplir si nécessaire.
  • Ne cherchez pas à tout prix un responsable lorsque des incidents sont signalés. Assurez-vous que vos managers disposent des compétences nécessaires pour gérer des incidents et enquêter sur leurs circonstances sans attribuer la faute à quelqu’un. Remarque : un travailleur isolé qui signale plus d’incidents que la moyenne a peut-être besoin de davantage de soutien ou de conseils, à moins qu’il ne soit tout simplement plus consciencieux.
  • Proposez un accompagnement suite aux incidents. Que l’incident ait eu un impact physique ou émotionnel, veillez à ce que vos travailleurs isolés se sentent entourés.
  • Assurez un suivi. Remerciez l’employé de vous avoir informé de l’incident. Rappelez-lui les mesures que vous allez prendre (en précisant les niveaux de soutien dont il peut bénéficier) et revenez systématiquement vers lui avec vos conclusions à l’issue de votre enquête.

Nicole Vazquez est directrice de Worthwhile Training, et fait partie de l’équipe organisatrice du salon Lone Worker Safety Expo.